dimanche 21 décembre 2014

Genève - Homélie du 4e dimanche de l’Avent


Paroisse de Saint-Joseph et Paroisse Saint-Paul – Genève - Homélie du 4e dimanche de l’Avent – 21 déc. 2014, fr. Jean-Michel Poffet op

Chers frères et sœurs,

Le temple de Jérusalem et la Sainte Vierge : voilà ce que j’aimerais évoquer pour vous, en ce quatrième dimanche de l’Avent, à quelques jours de Noël. Vous devez vous demander quel lien il y a entre les deux. C’est la liturgie qui impose ce rapprochement et il est intéressant et même d’actualité.

Commençons par le temple de Jérusalem et le roi David, tels qu’ils sont évoqués au second livre de Samuel. Le pays une fois conquis ainsi que la petite cité de Jérusalem, le roi David fait ce qu’ont toujours fait les rois, les empereurs, les présidents, les dictateurs et même les Pontifes qu’on dit Souverains : il se fait construire un palais, et un palais de cèdre. Mais comme il avait un peu de religion, le voilà pris de remords en voyant l’arche de Dieu camper sous une tente de toile. En effet, jusqu’ici le Seigneur avait accompagné son peuple au désert, l’arche d’Alliance était gardée sous tente, et donc quand le peuple était nomade, Dieu l’était aussi. Mais maintenant le roi s’est installé confortablement dans son palais et il s’imagine que le Seigneur lui sera reconnaissant de bénéficier des mêmes commodités. Le roi fait donc part au prophète Nathan de son désir de construire un temple pour le Seigneur. Or ce Nathan a beau porter le nom de prophète, il est surtout un courtisan, suffisamment payé pour avoir l’obédience facile et la bouche éduquée. Il répond de suite au roi : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le car le Seigneur est avec toi ! ». Mais la nuit le Seigneur rappelle à Nathan qu’il est prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu et pas simplement la carpette du roi. Le passage que vous avez entendu est raccourci, l’original est plus explicite : « je n’ai jamais été dans une maison… j’étais un Dieu voyageur… ». En effet, jamais le Seigneur n’avait reproché à un pasteur de son peuple : « pourquoi ne m’avez-vous pas bâti une maison de cèdre ? » Un Dieu ami des hommes tient plus que tout à vivre AVEC les hommes. Dans la même logique, lorsqu’Israël sera déporté à Babylone, le prophète Ezéchiel nous montre la gloire du Seigneur quitter le Temple, puis le Mont des Oliviers et rejoindre les exilés. Le Seigneur renvoie donc Nathan auprès du roi avec un message proprement renversant : tu veux me construire une maison ? C’est moi qui vais te construire une maison, au sens de la maison royale d’Angleterre, de Belgique ou d’Espagne, c’est-à-dire une dynastie. Mais attention : le Seigneur n’étant pas actionnaire de « Gala » ou de « Point de vue – Images du monde », il précise le but de cette institution dynastique: « je te susciterai dans ta descendance un successeur, qui naîtra de toi, et je rendrai stable sa royauté. Moi, je serai pour lui un père ; et lui sera pour moi un fils. » Voilà le rêve de Dieu, ce qu’il souhaite depuis toujours.

Noël va accomplir cette promesse mais de manière tout à fait inattendue, parce que le Dieu tant attendu reste inattendu : inutile de le chercher dans le faste des cours et les succès guerriers ou mondains. C’est autre chose que Dieu avait en vue : une transformation des relations entre lui et l’humanité, et cela adviendra en Jésus. Dieu sera vraiment pour Jésus un Père, et Jésus sera vraiment pour Dieu un Fils, obéissant jusqu’à la mort. « Non pas ma volonté, mais la tienne ». Voilà le rêve de Dieu : qu’un peuple apprenne à reconnaître en son Dieu un père, et qu’il entende Dieu les appeler mes fils, mes filles. Vous qui êtes parents, vous vous souvenez combien vous avez été émus devant les premiers balbutiements de vos petits qui vous regardaient et pour la première fois vous nommaient papa ou maman. Et au-delà des troubles de l’adolescence qui aujourd’hui dure parfois jusqu’à trente ans et au-delà…, quelle joie de pouvoir, comme adulte et librement, dire merci à son père et à sa mère pour tout ce qu’ils nous ont donné. Avec respect, affection et gratitude. Vous le savez, Salomon finira par construire quand même un temple, et nous des églises. Mais l’important n’est pas là, c’est la communauté vivante que nous sommes appelés à former : des relations fraternelles entre nous sous le regard bienveillant d’un même Père.

Eh bien, ce n’est pas à Jérusalem, ni dans un palais de cèdre mais dans un petit village de Galilée que la naissance de Jésus va être annoncée à une jeune fille fiancée à un certain Joseph de la maison de David. Notre Dieu a de la suite dans les idées : puisque les rois ont trahi, Israël était parti en exil. Au retour, la royauté ne s’est guère relevée, puis les prêtres ont connu la corruption et la collusion avec le politique. C’est donc ailleurs et autrement, que le Seigneur va rejoindre son peuple et nous sauver. « Réjouis-toi, Marie comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. Tu vas concevoir, enfanter un fils ; le Seigneur lui donnera le trône de David son père. » Et devant le trouble de Marie, l’ange poursuit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu ». La conception virginale de Jésus est un signe donné aux croyants : il n’a rien à voir avec une quelconque méfiance vis-à-vis de la sexualité. C’est le célibat qui aurait posé problème à un juif. Mais c’est un signe de Dieu, comme le signe du tombeau ouvert à la résurrection, signe que Dieu est à l’œuvre. La conception de cet enfant ne procède pas de l’initiative humaine de ses parents, Joseph et Marie, elle vient d’en haut pour briser le cercle vicieux de l’histoire humaine, fatiguée et répétitive dans la méfiance, la peur et la désobéissance : rappelez-vous Adam et Eve au paradis, et Adam et Eve, c’est nous. A Nazareth avec l’Annonciation et à Bethléem avec la naissance de Jésus,  c’est un redépart à nouveaux frais.  Par l’Esprit Saint, Marie commence une nouvelle page de notre histoire : celle de la confiance et de l’obéissance. « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ».  Ce oui de la Vierge est fruit de la grâce en elle : c’est son Dieu qui a préparé le cœur de Marie pour qu’elle donne naissance à Jésus, sans la moindre trace de péché.

Le temple de Jérusalem et la Vierge Marie. Vous comprenez maintenant ce rapprochement. Oui Marie porte en elle le Sauveur du monde. Il a choisi d’habiter non un palais de cèdre mais le sein de cette jeune Myriam d’un petit village de Galilée, inconnu de tout l’AT, inconnu des chroniqueurs du ler siècle, jamais mentionné où que ce soit. Nazareth ne devait pas abriter plus d’une dizaine de familles. La simplicité de Marie et de son milieu rappelle l’humble tente de toile du désert. Les humbles commencements en Galilée préparent l’humble naissance parmi les bergers à Bethléem, et déjà l’humiliation de la croix au Golgotha.

Mes chers frères et sœurs, demandons au Seigneur de nous donner les lunettes adéquates afin que notre regard change sur Dieu, le Christ, la Vierge Marie et ce qu’est la foi. Que Marie nous aide à nous offrir comme servants et servantes du Seigneur. « Qu’il m’advienne selon ta parole ». Alors l’Incarnation ne sera pas qu’un événement du passé. La naissance de Jésus en nous sera illumination, recréation et lumineuse espérance. Mystère tenu caché pendant des siècles, nous dit S. Paul, mystère manifesté par des écrits prophétiques, manifesté aux nations pour les amener et nous amener à l’obéissance de la foi. De tout cœur je vous souhaite de lumineuses fêtes de Noël à la lumière de cette foi. AMEN.

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