mardi 9 décembre 2014

Homélie du 2e dimanche de l’Avent – 7 déc. 2014

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Paroisse St-Joseph et Paroisse St-Paul – Genève

Chers frères et sœurs,

Tous au désert ! Dimanche dernier, nous levions nos regards vers le ciel : « Ah si tu déchirais les cieux et venais nous sauver ! » - Aujourd’hui le Seigneur nous répond en nous convoquant au désert, c’est là que nous le rencontrerons. Mes amis : attention ! Je ne travaille pas pour une agence de voyages et je ne suis pas en train de vous proposer une promenade romantique à dos de chameaux pour admirer et photographier les ondulations  des sables du Sahara ou du Wadi Rum en Jordanie. En Palestine, le désert c’est plutôt de la caillasse et quelques buissons rabougris. Alors pourquoi cette destination obligatoire ? Pour rechercher le silence ? Même pas.  En effet, pour la bible, le désert est d’abord le lieu de la parole (avec un jeu de mots en hébreu entre le MIDBAR (désert) et le DABAR (parole),  parce que c’est le lieu de l’écoute de la part d’Israël. C’est là, dans l’aridité du Sinaï que Dieu s’est révélé à Moïse, c’est là que le peuple rassemblé au pied de la montagne a dit son OUI à l’Alliance. C’est pourquoi le désert reste le lieu des fiançailles entre Dieu et son peuple. C’est donc là qu’il nous attend nous aussi pour se révéler, pour toucher notre cœur. A nous de rechercher ce que sera notre « désert » en cet Avent : peut-être prendre un peu de distance par rapport aux 1001 distractions et connections pour ne pas rater ce rendez-vous de Noël entre la discrétion de Dieu et nos vies bousculées et agitées. Saurons-nous rechercher ce lieu de silence et d’écoute comme écrin pour la Parole que Dieu veut nous adresser ?

Peut-on préciser en quelques mots ce que le Seigneur, au désert, cherche à dire pour nous préparer à sa venue ? Je résumerais le message du prophète Isaïe et de Jean-Baptiste le dernier des prophètes en deux mots : TENDRESSE et RIGUEUR. Tendresse : « consolez mon peuple » - Rigueur : « un baptême de conversion ». Tendresse et rigueur : les deux ensemble, jamais l’un sans l’autre. C’est d’autant plus nécessaire de le redécouvrir que cette tension marque le christianisme contemporain. La tendance actuelle associe volontiers la bonne nouvelle évangélique à la tendresse (ce qui n’est pas faux…), au pardon mais au risque parfois de se tailler une religion sur mesure, de perdre de vue le combat spirituel et la vérité à honorer dans la confession de foi, dans les situations humaines ; le mot « amour » couvre parfois un laxisme dépourvu d’exigence ; difficile de grandir dans ces conditions. La tentation inverse consiste à tellement insister sur la vérité, le dogme, la rigueur morale (souvent d’ailleurs pour les autres…)  que l’Evangile n’est plus une bonne nouvelle, et le recours à la violence au moins verbale marque cet intégrisme chrétien puritain qui amidonne l’évangile.
Aujourd’hui nos deux prophètes (Isaïe et Jean-Baptiste) se complètent pour nous dire à la fois la tendresse de Dieu et la rigueur, le sérieux de notre réponse. Le paradoxe est que le message de tendresse nous vienne de l’Ancien Testament et celui de la rigueur du seuil du Nouveau Testament.

« Consolez, consolez mon peuple » : ces mots nous viennent du cœur de Dieu. Rappelez-vous, c’est aussi le début du « Messie » de Haendel : « Comfort my people… », cet Oratorio que le musicien composa en seulement 22 jours à la fin de l’été 1741 alors qu’il était sorti d’une attaque d’apoplexie puis de plusieurs mois de terribles épreuves morales et financières. Et voilà que du fond du gouffre, de cette épreuve, de ce désert aride, jaillit un oratorio magnifique, son chef d’oeuvre. Emu, il confessera : « Dieu était à mes côtés ». Ce Dieu de résurrection et de vie, c’est le bon berger dont parle Isaïe et que Jésus incarnera. Celui qui non seulement rassemble son troupeau et le fait paître, mais celui qui les porte sur son cœur ! Oui Isaïe a raison, ce message-là il faut le proclamer du haut d’une montagne, car c’est une bonne nouvelle pour Jérusalem, une bonne nouvelle pour l’Eglise, une bonne nouvelle pour notre monde. Notre Dieu est un berger, un bon berger, et il a du cœur.

S. Marc a choisi d’ouvrir son évangile par l’appel d’Isaïe : une « voix  crie dans le désert ». Il identifie cette voix à celle de Jean-Baptiste qui proclame lui aussi dans le désert de Juda un baptême de conversion pour le pardon des péchés. La tenue de Jean appuie ses paroles : un peu moins que le nécessaire… Tunique de bête, ceinture de cuir, sauterelles et miel sauvage. Alors pourquoi est-ce que les habitants de Judée et de Jérusalem se ruaient-ils au désert, près du Jourdain, auprès de cet ascète hirsute et tonitruant ? Parce qu’ils avaient compris que leur pays était dans une impasse, qu’ils avaient besoin d’un renouveau, d’un nouveau souffle. Et si un constat semblable nous attirait nous aussi vers un lieu de solitude pour nous préparer à la venue du Messie et pour l’accueillir généreusement… Habituellement, pour la visite d’un chef d’Etat ou du Pape, on fait de grands travaux ou au minimum on repeint les façades… Pour la venue de Dieu en Jésus, un grand œuvre est tout aussi nécessaire, et si possible pas seulement de façade ! Jean-Baptiste en a tellement conscience qu’il appelle ce peuple en attente à la conversion. Son baptême à lui est un baptême d’eau, mais bientôt Jésus baptisera dans l’Esprit Saint : comprenez « dans un souffle puissant ».

Jésus va honorer de sa présence cette grave prédication et cette onéreuse préparation. Il va rejoindre tous ces croyants en déplacement au désert, ces pèlerins d’absolu. Jésus va commencer son ministère au milieu d’eux, parce que c’est là qu’il va trouver une attente, une écoute, une disponibilité.

Mais Jean-Baptiste sera plus tard surpris par Jésus. Il s’attendait à plus de rigueur justicière, il sera déconcerté par sa tendresse envers les pécheurs. Puissions-nous être surpris nous aussi, et en bien par la venue de Jésus : la tendresse de Dieu vient à nous, mais pour la percevoir et la recevoir, il nous faut nous aussi nous déplacer, bouger, changer de cap, écouter. En un mot nous convertir. C’est toute la portée de ce deuxième dimanche de l’Avent : beaucoup de tendresse de la part de Dieu, un peu de rigueur de notre part ! La disproportion sera toujours en sa faveur. Et S. Paul de préciser que si Dieu se fait si discret, ce n’est pas qu’il serait en retard, c’est seulement qu’il donne à chacun le temps de se convertir, le temps de découvrir l’immense tendresse de Dieu pour nous.
                                                                                    fr. Jean-Michel Poffet op

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