jeudi 4 décembre 2014

Le fr. Jean Michel Poffet o.p. prêche l'Avent à Genève

« La communauté des Dominicains de Genève a demandé à leur frère Jean-Michel Poffet, prieur du couvent St Hyacinthe de Fribourg et ex-directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, de venir assurer également la prédication des quatre dimanche de l’Avent (30 novembre - 7 décembre - 14 décembre - 21 décembre) à la messe conventuelle de la paroisse Saint Paul de 18h30 (6 avenue Saint Paul, 1223 Cologny), sachant qu’elle serait entendue le matin à la paroisse Saint Joseph, Rue Petit-Senn 1, 1207 Genève, 022 737 49 60.
Cette prédication est donc mise en ligne après chacun des dimanches.

En ce Temps de l’Avent, nous vous souhaitons une belle et vivante préparation et espérons vous retrouver à l’un ou l’autre de ces rendez-vous...

Pour tout renseignement, contacter le frère Michel Fontaine o.p. , prieur du couvent.

 
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Homélie ler dim. AVENT 2014 :
Paroisse St-Joseph de Genève et Paroisse St-Paul
 fr. Jean-Michel Poffet o.p.

J’aimerais vous inviter à entrer en résistance, en ce premier dimanche de l’Avent. Le don de Dieu est si grand à Noël qu’il ne nous faut pas moins de 4 dimanches et presque 4 semaines pour nous y préparer. De fait, les magasins sont prêts non pas seulement depuis le début décembre mais depuis novembre ou même octobre avec déjà des articles de Noël… Je lisais en arrivant à Zurich un panneau indiquant qu’au haut d’un escalier roulant se trouvait le paradis.. des jouets ; ailleurs on nous rappelle que Noël c’est du foie gras ou du saumon, des pneus d’hiver moins chers, un départ au soleil, ou la fête de la lumière, ce qui n’est pas faux mais un peu court. Le seul absent de tout ce charivaris commercial : c’est Jésus. C’est dire s’il nous faut vraiment redécouvrir la grandeur de notre foi, commençons ce dimanche.

Un cri jaillit du prophète Isaïe : « Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! »  Pourquoi ce cri ? Parce depuis l’exil à Babylone, Israël a vécu un drame politique mais aussi religieux : perte de leur patrie, du temple et de ses liturgies, de l’indépendance politique avec en plus le danger de perdre la foi au milieu des païens.  Puis les exilés sont revenus de la captivité.  Mais depuis le retour en Terre Sainte régnait une corruption de plus en plus grande aussi bien des chefs religieux que des chefs politiques. Le diagnostic du prophète est alarmant :
·      personne n’invoque plus ton nom… (perte de la foi)
·      nous étions desséchés comme des feuilles emportées par le vent (modes pas seulement vestimentaires mais le prêt-à-porter intellectuel, moqueries face au christianisme etc. )
·      au lieu d’actes de justice, nous ne sommes plus que du linge souillé (libéralisme sans frein et tant pis pour les petits, les pauvres et les plus fragiles)
·      nul ne se réveille pour prendre appui sur toi (croyants chroroformés)

Eh bien… quel tableau, quelle lucidité, et : que dirait le prophète aujourd’hui ? Pourtant, il crie sa foi : tu es notre père, nous sommes l’argile et nous restons l’ouvrage de tes mains. Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais… La Bible ne nous laisse jamais sur un diagnostic décourageant, mais nous relance dans l’espérance, parce que Dieu est Dieu, reste fidèle et ne partage pas nos inconstances, pour ne pas dire nos inconsistances.

J’aime lire ce passage du prophète au bord du Jourdain, en Terre Sainte, là où Jésus a été baptisé. Pourquoi ? Parce que c’est précisément ce qui se passe quand Jésus vient rejoindre Jean-Baptiste : les cieux se déchirent, la voix du Père se fait entendre et l’Esprit Saint atteste que Jésus est le Fils bien-aimé, qu’il nous faut l’écouter, l’accueillir et apprendre à le suivre. C’est donc une histoire de salut qui recommence.

En somme rien n’est perdu pour autant que nous fassions un diagnostic aussi juste et précis : notre foi est abstraite et trop vague pour être active, nous  nous préoccupons trop peu de la justice depuis le niveau familial et interpersonnel jusqu’au niveau de nos sociétés à l’épreuve de la mondialisation. Et nous sommes quelque peu endormis.

Qu’est-ce qu’il nous faut redécouvrir ? Le don de Dieu en Jésus mais à conjuguer non pas au passé seulement (il y a 2000 ans à Bethléhem, le petit petit petit Jésus) mais aujourd’hui, maintenant : l’accueil du Sauveur que Dieu nous donne. Qu’est-ce que ça va changer dans nos vies ? Concrètement ?

S. Paul nous éclaire en nous promettant : « De la part de Dieu et du Seigneur Jésus Christ : à vous la grâce et la paix ».  Il l’écrivait aux Corinthiens, l’Eglise nous le redit avec les mêmes mots aujourd’hui. « La grâce et la paix » : c’est souvent la salutation du début de nos liturgies. Cette expression nous vient des lettres de S. Paul, et S. Paul les a reçues probablement des premières communautés chrétiennes célébrant l’eucharistie, souvent en toutes petites communautés, en famille. La grâce et la paix. Deux petits mots qui peuvent vous paraître abstraits, ou usés. Alors une urgence : il faut les redécouvrir parce que là encore c’est un cadeau magnifique.

Grâce : don de Dieu, gratuit : son amour et surtout son pardon, basé sur la fidélité d’un père et d’une mère. Oui l’argile que nous sommes est toujours façonnable à nouveau par le potier.
Paix : comme sommet de l’expérience spirituelle. Parce que si nous découvrons que nous sommes aimés, accompagnés et pardonnés, graciés, alors on peut être en paix avec soi-même et avec notre Dieu, dans un élan de gratitude et de confiance.
Paul est formel, avec le Christ, Dieu nous a donné le don le plus précieux : « aucun don de grâce ne vous manque à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir jusqu’au bout , car Dieu est fidèle. » Oui nous sommes comblés mais nous ne le savons pas ou ne le savons plus.

D’où l’appel solennel que Jésus nous adresse en ce ler dimanche de l’Avent : « Veillez ! Pour que la venue du Seigneur ne nous trouve pas renégats, ou tout simplement chrétiens de nom mais indifférents et sceptiques, endormis. « Pourquoi est-ce si important ? parce que l’Europe est traversée par une sorte de scepticisme rampant, d’athéisme pratique qui fait que des jeunes déboussolés mais qui ont au cœur des aspirations profondes vont voir ailleurs, quitte à être victimes des pires gourous. Veillez au cœur de votre vie familiale, professionnelle, en Eglise, veillez, reprenez ces pages lumineuses d’Ecriture sainte.

C’était les premiers mots de l’accueil de cette liturgie : Voici le temps du désir et de l'espérance. Veillons ! Ne nous laissons pas prendre aux mirages du découragement. Ne tombons pas dans le piège de la désillusion. Soyons sûrs que Dieu viendra.
Veillons dans la prière avec Marie qui attendait son enfant et avec la Mère de Dieu qui accompagne cette Eglise en attente pour que la Parole prenne chair en nous et que nous devenions des porteurs d’Evangile, de grâce et de paix. Nous en avons besoin, et notre monde blessé a tellement besoin de grâce et de paix, a tellement besoin de redécouvrir et d’accueillir le Prince de la Paix. Je vous souhaite un bel Avent. 

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