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Paroisse St-Joseph et Paroisse St-Paul – Genève fr. Jean-Michel Poffet op – 14 déc. 2014
Chers frères et sœurs,
Il y a de la joie… au cœur de la foi : c’est ce que nous
rappelle ce troisième dimanche de l’Avent appelé dimanche du
« Gaudete » ce qui en latin signifie « Réjouissez-vous ». C’est S. Paul qui donne la tonalité de ce
jour : « Frères, soyez
toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute
circonstance ». Pourquoi cet appel ? Les chrétiens seraient-ils en
danger de perdre la joie ? Oui, il y a danger : danger de
l’indifférence, danger de l’oubli, pire encore : danger de la
méconnaissance : quand on croit connaître l’Evangile : « il y a
au milieu de vous quelqu’un que vous ne connaissez pas » proclame le
Baptiste. Danger donc d’un climat de dépression spirituelle. N’oublions pas que
des chrétiens tristes sont de tristes chrétiens ! Un ancien prix Goncourt,
Alexis Jenni, vient d’écrire, après avoir redécouvert la foi de son baptême :
« C’est important de montrer qu’il y a dans la foi une joie fondamentale
et simple, et pas seulement de la douleur et de la culpabilité… Pour ma
génération, l’Eglise est un truc inutile, vieillot et qui interdit d’avoir du
plaisir. » C’est bien vu, mais précisément, c’est cette Eglise qui
aujourd’hui nous invite à nous réjouir.
Pour tenter de préciser les traits
de cette joie au cœur de la foi, j’ai interrogé le prophète Isaïe, le prophète
de l’Avent que nous venons d’entendre :
- il décrit sobrement cette joie de
croire : « je tressaille de joie dans le Seigneur ». C’est donc
tout d’abord la joie de la communion avec Dieu. C’est la joie de découvrir que
notre vie ne nous vient pas seulement de nos parents, mais du créateur. Que
nous sommes aimés et accompagnés par la présence de Dieu qui n’est pas un
concept mais une personne. Davantage même : depuis Jésus nous sommes habités
par l’Esprit Saint et devenons un véritable sanctuaire : nous ne sommes
pas laissés à nous-mêmes, même si nous étions abandonnés de tous nos proches et
de la société. C’est la joie de découvrir que notre vie a du sens, et que ce
besoin d’infini et d’amour que nous portons dans notre cœur, cela vient de
Dieu.
- Isaïe se fait ensuite très précis
quant aux destinataires de cette joie : pour les cœurs brisés, elle est
apaisement, soulagement. Rappelons-nous les paroles de Jésus :
« venez à moi, je suis doux et humble de cœur ». Elle est soulagement
aussi pour les captifs et les prisonniers : pas seulement ceux qui sont
enfermés derrière les barreaux des prisons mais aussi ceux dont la liberté est
hypothéquée par des addictions, la violence, un plaisir déréglé et par toutes
sortes d’égoïsmes.
- plus émouvant : Isaïe parle
aussi du salut comme de la joie d’un fiancé ou d’une fiancée. Le peuple de Dieu
se voit revêtu par Dieu d’un manteau de justice : le voilà ajusté à son
Dieu, prêt pour la fête et la rencontre amoureuse. A l’amour qui descend du
ciel va répondre un amour qui monte du cœur des croyants. La foi apparaît alors
comme un jeu nuptial : Jésus va nous le montrer en participant aux noces
de Cana.
- Isaïe nous offre encore une image
végétale : la joie de la foi, c’est comme une terre printanière qui fait
éclore son germe, comme un jardin qui laisse jaillir toutes sortes de jeunes
pousses. La foi n’est pas une affaire de vieux, et l’Eglise n’est pas une terre
stérile et polluée ; c’est plutôt un jardin du perpétuel recommencement,
parce que sans cesse la vie repart, Dieu étant source de vie et de
résurrection. Rien, pas même toutes nos fautes, n’empêche Dieu de nous offrir à
nouveau la vie, le pardon, l’espérance.
- de plus, saint Paul qui nous a
invités à la joie ajoute : « que la paix de Dieu saisisse votre
esprit, votre âme et votre corps », c’est-à-dire le psychique, le
spirituel et le somatique en vous. En cas de troubles, nous recourons aux soins
d’un psychologue, d’un prêtre ou d’un médecin, et nous faisons bien. Mais
rappelons-nous que la joie de croire retentira aussi sur ces trois
domaines : le psychisme, le spirituel et le somatique. Dieu prend en
charge toute la personne et veut faire de nous des vivants et même de bons
vivants.
Devant une telle promesse, vous
devriez tous m’attendre à la sortie et me demander la recette de ce bonheur
plénier et profond. Je ne pourrais que vous renvoyer à Celui que nous
attendons, Jésus, qui au début de son ministère à Nazareth va reprendre les
mots mêmes du prophète Isaïe que nous venons d’entendre : « L’Esprit
du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il
m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux … « pauvres » disait
l’ancienne traduction ; aux « humbles » dit la nouvelle
traduction liturgique. Pourquoi ce
changement ? Pour que nous ne réduisions pas la bonne nouvelle à un
partage d’argent du plus riche avec le plus pauvre, même si c’est essentiel.
Mais pour que nous demandions au Seigneur de nous rendre nous-mêmes
profondément humbles et donc aussi solidaires avec les humiliés. Attention !
L’humilité : encore un mot fatigué et empoussiéré. L’humilité, ce n’est
pas rester recroquevillé sur soi-même en pensant qu’on ne vaut rien : ce
serait de l’autodestruction. Non, l’humilité c’est simplement se souvenir que
nous ne sommes pas de petits dieux mais tous de simples gens, à la fois
pécheurs et aimés, et l’humilité peut ouvrir le chemin d’une vraie fraternité
entre nous. Une bonne nouvelle pour les humbles, ce sera Noël : Jésus
naissant au milieu des pauvres. Le monde à l’envers, vu que partout la force
domine ; mais l’espérance à l’endroit parce qu’au milieu de nous un autre
monde est en train de naître. Saurons-nous l’accueillir ?
Nous retrouvons la même logique, le
même climat, dans l’évangile de ce dimanche présentant Jean-Baptiste: « il est venu comme témoin, pour rendre
témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas
la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière. Et plus
tard le même Jean-Baptiste dira : « Il faut que lui grandisse et que
moi je diminue. »
Chers frères et sœurs, il y a
urgence. Redécouvrons le Christ. Oui nous pouvons tressaillir de joie dans le
Seigneur. Oui nous sommes des captifs libérés, des fiancés revêtus pour la
célébration des noces, un jardin prêt à accueillir à nouveau la vie. Oui le
Seigneur nous appelle à devenir des humbles émerveillés devant cette troisième
bougie de l’Avent qui nous annonce pour très bientôt la joie de l’Incarnation,
la joie de l’Evangile.
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