Ne pas s’installer dans le confort
Frère Didier Boillat o.p. est arrivé à Genève en 2002. il arrivait tout
droit de la terre meurtrie du Rwanda, où il avait exercé pendant près de 12 ans
à Kigali, en tant que Maître des novices chez les Frères prêcheurs, enseignant
au Grand Séminaire, actif dans la pastorale liée à l’église conventuelle et
accompagnateur des enfants de la rue.
Comment s’est passée votre arrivée en terre genevoise ?
Fr. Didier : On m’avait dit qu’en arrivant
ici, je trouverais une vie ecclésiale délabrée, voire moribonde, mais j’y ai
trouvé l’exact inverse : je suis arrivé au sein d’une Église vivante. C’est ce
que je garderai avant tout de mes expériences dans le cadre du catéchuménat et
dans la pastorale paroissiale à St-Paul, où j’ai côtoyé une communauté
extrêmement dynamique, jeune et soudée.
En dix ans d’activité au sein du catéchuménat des adultes, est-ce que
vous avez pu constater une augmentation du nombre de catéchumènes ?
Oui, le nombre des catéchumènes est en constante augmentation, tant
pour ce qui est du baptême que pour la confirmation. Et cette augmentation ne
fait que me conforter dans l’attitude que j’ai toujours essayé d’adopter :
accueillir toute personne sans désir de jugement, accueillir l’autre comme s’il
s’agissait du Christ.
La moyenne d’’âge des catéchumènes a-t-elle évolué depuis 10 ans ?
Oui, le nombre de jeunes catéchumènes est lui aussi en progression, ce
qui dénote probablement un manque dans leur vie, un désir d’appartenance à une
famille (chrétienne en l’occurrence). Il y aura toujours des catéchumènes qui
suivent un parcours parce qu’ils souhaitent se marier ou devenir
parrain/marraine, mais je persiste à croire que leur nombre reste marginal, et
que ces conversions sont vraiment pour chacune et chacun un véritable acte de
foi.
Qui sont-ils, ces jeunes ?
De plus en plus, ce sont des jeunes dont les parents avaient choisi de
ne pas les faire baptiser durant la prime enfance. Il y a aussi des changements
de « confession », certains dont l’éducation s’est faite du côté de
l’Église réformée, et qui ressentent un besoin d’adaptation dans leur vie de
foi, principalement lié à l’Eucharistie.
Au moment de quitter Genève, quels sont vos sentiments ?
Quand on est en activité, on n’a pas forcément conscience de la profondeur
et de la solidité des liens qui se tissent avec les personnes qu’on côtoie. Je
me dis que ces liens-là perdureront par-delà la distance, mais je me dis aussi
qu’il y aurait encore tellement à faire… mais j’en laisse le soin à ceux qui
prennent le relais. Et puis, pour moi c’est aussi une occasion de conversion,
car on a vite fait de s’installer dans son petit confort. Le fait de changer de
ministère va me permettre de garder une certaine fraîcheur.
Ce nouveau ministère, quel sera-t-il ?
Dès septembre, je serai responsable de la Mission francophone à Zurich, que je connais déjà bien, puisqu’elle est administrée par mes frères
dominicains.
Quels seront les changements par rapport à Genève ?
La Mission francophone à Zurich est elle aussi une communauté très
vivante, mais je serai là-bas animateur d’une communauté de migrants.
Des migrants de quelles provenances ?
De toute la Francophonie (Suisse romande, France, Belgique) et une
très forte présence d’origine africaine, déjà très intégrée au sein de la
communauté. Un enjeu majeur de mon ministère sera d’ailleurs de cultiver et
faire fructifier la solidarité entre toutes les composantes de la communauté
francophone.
Propos
recueillis par Frédéric Monnin